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  • Photo du rédacteurLydie

L'étranger

C’était un soir comme je les aime, un soir chaud et doux, autour d’une table grassement garnie. Le vin qui coule le long des ridules du coin de la bouche des grands messieurs et les miettes de pain qui s'accroche aux poils de leurs barbes. Les rires retentissent dans la pièce. Il parle, il rit, il mange… Je ne peux m’empêcher de le regarder. Depuis qu’il est entré dans nos vies, maman et papa lui dépeignant un visage sérieux, un doigt qui pointe, un sermonneur de plus en somme. Mais un sermonneur qui manie les foules et imbibe les esprits d’un poison pire que la ciguë, un mensonge éhonté. Il serait fils de Dieu… Avec quelques amis, au début, on se moquait de ce que l’on nous racontait de lui. Le voyant comme un homme étrange qui se serait cogné la tête un peu trop fort, déblatérant ainsi des folies inacceptables pour papa. Seulement, depuis quelque temps, ce dernier n’a plus le même regard fier et sûr lorsque cet inconnu s’exprime, il l’écoute, sans l’interrompre. Il le mêle même à ses invités! L’autre jour, j’ai vu des fines gouttelettes perler son visage alors que l’étranger parlait avec assurance à une foule muette. Mais les jours passent et papa se débride peu à peu en sa présence. Je ne comprends pas qu’il comprenne tout ce que l’homme clame mais il est suspendu à ses lèvres. Je ne peux que le comprendre, les yeux de l’homme me rappellent la douceur du vent qui frôle ma peau et sa voix, elle est si tendre, comme une mie de pain chaude qui invite à se nourrir de ses mots. Maman et papa ne mentent jamais, mais, cette fois-ci, ils ont eu tort; l’homme que l'on me décrivait, il y a quelques jours, n’existe pas. Celui qui se trouve attablé dans notre salon est animé de quelque chose de plus que les grands messieurs qui discourent sur la Parole. Lui, il parle de ces histoires, de ces vérités comme sa propre vie, avec émotion. Il nous décrit Celui qui serait son père d’une façon que je n’avais jamais entendu! Alors que je me perds dans mes pensées, à observer les expressions de l’étranger, écouter ses mots, une femme entre en trombes dans la maison. Maman paniquée, me couvre les yeux! J’écarte ses doigts, et distingue sa silhouette; elle est très peu vêtue, de la sueur coule sur sa peau, elle tremble. Elle tient dans ses mains une jarre. Tout se passe très vite, je n’y comprends rien. Tout le monde semble indigné, deux hommes la somment de sortir et se lèvent. Mais l’étranger les arrête. Il la regarde. Alors, la femme tombe à genoux, elle parle à l’étranger dans un flot de paroles que je ne comprends pas. Ses larmes se mêlent à ses mots. Elle verse le contenu de sa jarre sur les pieds de l’homme, après avoir essuyé ses pleurs avec sa chevelure en bataille. Papa devient pivoine devant ce spectacle incompréhensible; dans sa maison, une femme de petite vertu, comme dit maman, est entrée et souillé son sol! Mais, l’étranger la relève et déclare: - Tes péchés sont pardonnés. Va et ne pèche plus. Elle le remercie, pleine d'émotion, et sort, comme vivifiée de ces quelques mots. A l’intérieur, c’est le calme plat, maman me fait sortir. C’est l’heure de dormir, apparemment. En sortant, je peux entendre l’étranger parler, encore. Et, je vois papa, l’écouter, retrouver son calme, tremblant. Inspiration de Luc 7.36-8.3; la Bible

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