top of page
  • Photo du rédacteurLydie

La légende de Français et Deutsch

Alors que la première lettre venait de naître dans un pâturage, Deutsch et Français regardaient ce petit t, sortir timidement de la terre.

Emus, ils imaginaient les bulles qui caressent les oreilles, les cliquetis qui entrechoquent les dents; les bruits, les gazouillis du petit t.

Au bout de quelques jours, il avait déjà réussi un minuscule tas, discret, qui frotte doucement l’ouïe.

Français était attendri de joie, mais Deutsch, croisait les bras.

Jusqu’à un petit Tag, qui lui avait embrumé le regard.


Deutsch a grandi, il est devenu Dütsch.

Français a poussé, lui aussi, il a mis au monde des mots nouveaux.

Tous deux aiment se retrouver et échanger quelques sons, ils recréent une symphonie bourdonnante, chatoyante, enivrante,....


Un ronflement de renard qui râpe la langue, comme rouages d’une parole de gravier.

Le Chaos d’un Chor vide qui assoiffe la gorge.

le susurrement d’une sinueuse sangsue qui s’invite dans les mots doux.

le Säuseln d’une Straße qui se perd dans la pensée, s’installe dans le son d’une brise.

La douce chandelle d’un chant tendre, au coeur timide.

Le Schrei d’une Schnee immaculée qui appelle au silence, recueille l’instant entre ses mains de glace.

Le vrombissement d’un vélomoteur vaillant, voyageant sur routes et chemins vallonnés.

Un Vater verrückt de ses bambins vigoureux.


Nos deux compères s’entre-mêlent.

Ils se mélangent et s’admirent.

Ils se tartinent de souffles et de claquements de phrases.


Français se découvre un intérêt pour les Lieder de Deutsch.

Deutsch se passionne pour les poèmes de Français.


Ils se font chevaliers du mélange des coeurs.

Ils prêtent main forte aux mot mal-aimés.

Basel et Bâle décident un cessez-le-feu autour d’une fondue, en compagnie, des héros de cette paix fragile, Deutsch et Français.


Biel et Bienne, avec l’aide de nos cupidons des langues, se laissent aller à une idylle, au bord du lac.

Bercés par le Wind sur leurs corps amoureux.


Le temps passe et Français et Deutsch deviennent paresseux, les langues claques avec douceur, la raclette coule à flot; la paix semble enfin régner.


Ils oublient Biel et Bienne, Basel et Bâle,...

Ils s’installent dans la forêt, royaume de mots tendres et frais.

Ils se nichents dans un chalet pour ne plus en ressortir.


Tous deux mûrissent et grandissent chaque jour un peu plus.

Ils grossissent.

Leur gourmandise grasse, goulument, se distingue dans corps de graisse.

Les lettres coulent au coin des lèvres.

Les phrases repeignent le sol.

Les mots huileux se perdent dans les plis des vêtements trop serrés.


Nos deux amis se complaisent dans une vie molle de mots coulants.


Genève est devenue le successeur de Français, selon les mots carrés qu’il déclare;

Zürich, le Meister des Wörter, selon ses dires.


Deutsch et Français ne voient pas le ciel perdre sa teinte bleutée.

Ils n’entendent pas les hommes grommeler.

Ils ne sentent pas leur vie changer.


Le ciel n’est pas gris mais jaunâtre.

C’est un souffle gras qui se frotte à Français, c’est un grêlon mou qui frappe Deutsch.


Une pluie amidonnée.

Un ouragan lourd d’odeurs de cuisine, un soir de steak de boeuf.

Soudain,

Tout se précipite:

La terre est couverte, nos compères séparés par océan de pommes de terre.


Confettis de haine, ridicule châtiment du suisse qui ferme son coeur.


16 vues0 commentaire
bottom of page