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  • Photo du rédacteurLydie

Petit morceau de ciel

Dernière mise à jour : 6 déc. 2019

19h

La peur du lendemain.

Le départ.

Je sors une cigarette de mon paquet et tente nerveusement de l’allumer.

Je veux rester ici, dans le cocon chaud et doux qui a vu mes petites jambes vaciller sur le carrelage pour la première fois, s’est paré de mes exploits muraux artistiques incompris.

Lieu de paix.

Papa et maman rien qu’à moi, comme avant.

A l’intérieur, je distingue les premiers verres, les nez rougissant. J’entends les rires.

Une pensée ne cesse de me hanter ; comme un mantra me dévorant le cœur :

Le retour au travail

Debout, devant la fenêtre de la cuisine, je laisse s’échapper un nuage de fumée, il s’extirpe entre mes lèvres pour aller se réfugier dans l’obscurité qui m’embrasse le corps presque entièrement ; seule la petite lampe du porche m’éclaire légèrement.

Je frissonne ; un souffle glacial s’est faufilé sous ma veste.

Mes pieds s’engourdissent de froid, alors, je pousse la porte et m’engouffre dans le vestibule.

Cadeaux, Festin, Musique, …Tout y passe.

Je retiens mes larmes à chaque instant un peu plus.

00h15

Les embrassades qui s’éternisent, les bougies qui s’éteignent, le sapin dépouillé de ses cadeaux.

J’observe du perron les voitures qui s’éloignent, laissant derrière elles une nuée blanche.

Lundi, c’est le retour à la vraie vie. Je sens la boule de mon estomac se resserrer.

Noël chez papa et maman. Ma bulle de retour en enfance dans un quotidien sans scrupule d’adulte.

Je me dirige au salon. Grand-maman dort toujours sur le sofa. Comme moi, elle a un trajet conséquent à faire pour rentrer chez elle, elle ne part que demain.

Je me prends de fascination devant son visage doux. Elle semble si sereine.

Un châle sur les épaules, elle est enfouie sous une montagne de tissus qui caressent le corps, embrassent l’âme et reposent le cœur.

Ses cheveux de neige tombent su son visage et redessinent ses traits.

La lumière, à présent tamisée, du salon éclaire son teint comme le ferait la main d’un ange. Une main chaleureuse et maternelle.

Je peux presque sentir la caresse de ses doigts sur mes joues rondes. Je revois sa robe à fleur, des pâquerettes blanc cassé soulignant son corps arrondi.

Je me rappelle mon plaisir à m’asseoir tout contre elle, sur ses genoux. Je pouvais sentir battre son cœur au même rythme que le mien, petits instants que j’appelais miettes de paradis.

Je sens l’eau de Cologne qu’elle portait à chacune de mes visites dans sa maisonnette. La rose, une odeur délicate mais élégante. Elle dégageait une force de vie que je ne m’expliquais pas. Son parfum m’entourait de toutes parts, délicieusement, et m’emmenait dans son monde de théières en porcelaine et de ronronnements de vieux chats.

Je touche l’étoffe qui l’enlace délicatement, j’y vois mes pyjamas enfantins.

Je m’y glissais, avant de m’installer, aux côtés de grand-maman, devant Louis De Funès et une tarte aux pommes. Les pieds logés dans des chaussettes aux motifs ridicule, les irremplaçables thés et gros chats installés sur mes cuisses, achevaient de fondre mes soucis.

Je goûte la saveur des jours insouciants, bercée par une atmosphère aimante.

Cette fois-ci je laisse les eaux couler, fidèle au poste cette magie des soirs au coin de la télévision se fait gardienne de ma paix. Les gouttes qui glissent jusqu’à mon menton ne témoignent pas d’angoisse ou de tristesse mais de vie, tout simplement.

Cette scène me touche, comme une tasse de chocolat chaud qui s’écoule dans mes pensées.

Je veux aimer cet instant, cette simplicité.

Je veux trouver la petite couverture de velours de chacune de mes journées, même si elle m’est retirée bien trop vite. Je veux voir ce lampadaire oublié dans une nuit qui mange mon champ de vision, remercier ce petit moment, ce petit bout de paradis.

Les bonheurs du monde sont grands et méritent nos regards, je veux les attraper au vol et nourrir mon cœur de leur discrète tendresse, aimer ces petits morceaux de ciel.

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